mardi 15 octobre 2013

Não deixe o Samba morrer.



La musique au Brésil, c'est une institution nationale. Tout autant que la feijoada, la fesse dodue ou encore la cachaça, elle fait partie intégrante du quotidien des brésiliens. 

Evidemment, quand on pense à la musique brésilienne, on pense d'abord au samba. Et pour cause: à tout âge, toutes conditions sociales confondues (avec toutefois quelques particularismes..) et cela depuis des décennies, c'est le style de musique le plus apprécié des brésiliens, et qui représente surtout le mieux la société dans son ensemble. Il est né de la rencontre entre les trois peuples ayant formé la population brésilienne: les indiens, les esclaves noirs et les portugais.

Un des objectifs de mon année au Brésil, c'est de prolonger ma connaissance de ce genre métisse, que j'avais déjà pas mal commencé à appréhender à Paris. Entre la Batuka  (pour les non-initiés, c'est le groupe de percussions brésiliennes dont je faisais partie à Sciences Po), les nombreuses sorties samba de roda et pagode (type de samba plus lent, en plus petit comité et souvent joué autour d'une table) et même la capoeira, mêlant samba, danses et chants traditionnels comme le maculelê, le jongo ou le côco, j'étais déjà plutôt bien imprégnée..!


Ici, j'ai donc rapidement cherché à m'intégrer à une bateria, et, un peu par hasard, j'ai finalement atterri à l'école de samba de Rocinha: os Acadêmicos da Rocinha. 

Pour contextualiser un peu, Rocinha, c'est la plus grande favela du Brésil. Elle compte au moins 150 000 habitants, mais les chiffres peuvent varier pour aller jusqu'à 500 000 (!). Dans tous les cas, il s'agit vraiment d'une ville dans la ville, où on peut trouver absolument tout ce que l'on recherche. Evidemment, elle a aussi été le théâtre de nombreux affronts entre trafiquants de drogue et a connu une violence générale assez extrême. Aujourd'hui, l'Etat a repris ses droits sur ce territoire, en y implantant une UPP (Unité de Police Pacificatrice) en 2011, mais c'est un processus de très longue durée, qui n'est bien sûr pas encore abouti. 
Dans ce contexte, l'école de samba est un moyen de faciliter la cohésion sociale, et de créer du lien entre les habitants, autour d'un fort esprit de communauté. (c'était la minute Sciences Po).




 J'ai donc eu la chance de pouvoir intégrer cette très bonne école (elle fait aujourd'hui partie du groupe A, juste derrière le groupe spécial comportant les meilleures groupes de la ville comme Beija Flor, Tijuca, Salgueiro ou Mangueira), et j'y joue du chocalho! 


La Rainha (Reine de la bateria), mon chocalho, mon magnifique tee-shirt à l'effigie de la reine et moi!

J'ai des répétitions trois fois par semaine, et c'est vraiment intéressant de connaître un peu l'envers du décor, et toute la préparation qu'il y a en vue du Carnaval, qui paraît comme une simple fête pour les yeux extérieurs. Parce que si c'est effectivement un énorme évènement que tous les brésiliens attendent avec impatience, pour les écoles de samba, c'est bien plus que cela. Il s'agit d'une compétition acharnée entre les écoles de son groupe, à coup de déguisements, de chars, de danseuses, de joueurs, de thèmes les plus exubérants où chacun cherche à obtenir le saint graal: le sacre de Campeão (Champion). Le défilé final découle d'une série interminable de sélections: celui du thème du samba, puis l'élection du samba en lui-même après une compétition interne à chaque école, puis le choix de la Rainha, et enfin la présentation publique du Samba et de la Reine choisis. Avant la présentation publique, c'est assez impressionnant de voir la manière dont ils cherchent à garder le secret autour du samba de l'année, en ayant systématiquement je ne sais combien de personnes autour des répétitions qui veillent à ce que personne ne soit en train de filmer ou de prendre des photos, qu'il n'y ait aucune personne inconnue du groupe, etc. Maintenant que nous sommes entrés dans la phase de répétition intensive (alors qu'il reste quand même plus de 4 mois avant le carnaval...), les mestres et directeurs de batterie commencent déjà à nous mettre une pression pas possible pour qu'on soit assidus et fidèles au groupe, et nous rappellent constamment que l'on est observés sans cesse sur notre manière de jouer et de nous comporter. Il vont juger comme ça si on est apte à défiler ou non. 

Pour vous donner une idée de ce moment de folie assez indescriptible qu'est le Carnaval, voici le lien de la vidéo du défilé 2013 de Rocinha.

Pour compléter ma culture du samba (et, vous l'aurez compris, également parce que j'aime plutôt bien ça...), je fais aussi pas mal de sorties pour des concerts, des rodas de samba, des concours de batucadas étudiantes, des visites de grandes écoles comme Beija Flor, ... Bref,  j'en prends plein les yeux et les oreilles! 
Là, c'était pour mes 20 ans, des amis sont venus jouer à la maison, c'était top! 

Concert de Monobloco, une tuerie également



La Rateria lors de la Balatucada, rencontre inter-batucadas étudiantes.

Je pense que je ne suis donc décidément pas prête  à laisser s'éteindre le samba... 


La minute telenovela: Dans le prochain épisode, Lorena enquêtera pour savoir quelle mouche tropicale l'a piquée dans son berceau pour qu'elle ait autant cette folie du Brésil...