jeudi 7 novembre 2013

Axé Capoeira Senzala

Ça y est, je suis baptisée! 

Non pas d'une quelconque religion (non merci de ce côté là j'aurais d'ailleurs plutôt tendance à vouloir me débaptiser..), c'est bien de capoeira que je parle. 
Pour ceux qui ont encore des doutes, la capoeira, c'est un savoureux mélange entre danse et art martial aux racines africaines et débarqué au Brésil en même temps que les esclaves. Ces derniers avaient pris l'habitude de lutter entre eux de cette manière, en évitant de réellement porter les coup afin de détourner l'interdiction de se battre imposée par les maîtres. Après avoir subi la forte répression de cette époque, la capoeira s'est renforcée et s'est institutionnalisée après l'abolition de l'esclavage en 1888, notamment grâce à de grandes figures comme  Mestre Bimba et Mestre Pastinha. Le premier a contribué à la création de la branche Regional de la capoeira, avec un jeu rapide et acrobatique, le plus répandu en dehors du Brésil. Pastinha de son côté a popularisé la capoeira Angola, avec un rythme bien plus lent, joué principalement au sol et très technique. 



Le groupe auquel j'appartiens désormais s'appelle Senzala. Ce que j'aime bien avec eux, c'est que c'est un mélange des deux branches, avec un style bien particulier, assez artistique et théâtral. La Senzala, pour info, c'était le nom des anciennes maisons où vivaient les esclaves dans les fazendas (les grandes fermes), en opposition avec la Casa Grande, où vivaient les maîtres. 


Le batizado (baptême), c'est un moment important dans la vie d'un capoeiriste. C'est là où l'élève rentre officiellement dans la famille, où il doit jouer avec un Mestre qui doit le faire tomber symboliquement et où il change de corde. La première corde, c'est la blanche, que l'on troque, dans mon groupe, pour la jaune après le batizado. (C'est celle que j'ai héhé). Après, tout un tas d'autres cordes d'autres couleurs représentent les étapes d'évolution du niveau du capoeiriste, jusqu'à arriver à la rouge, le stade suprême: le Mestre. Comme vous l'avez vu, la capoeira est donc une discipline très hiérarchisée, où l'on voue quasiment un culte aux grands mestres fondateurs, et où l'on doit le respect aux plus hauts "gradés". 


Mon prof Ninho (à gauche au micro) et notre Mestre Deco à côté



Avant d'entrer dans la roda, avec mon amie Sara. Il faut s'agenouiller devant le mestre et attendre son approbation  pour pouvoir rentrer.


Vamos jogar! 


C'est aussi un sport extrêmement codifié, et il y a par exemple certains coups que l'on ne peut pas porter aux mestres... ça m'a d'ailleurs valu une mésaventure assez honteuse au moment de mon premier batizado (quand je faisais de la capoeira en France dans un autre groupe), je ne savais pas ce code, et j'ai eu la merveilleuse idée de lancer un martel (un coup de pied frontal, en gros) au mestre qui me baptisait.. Résultat: il m'a fait tomber, et à chaque fois que j'essayais de me remettre sur mes deux pieds, il me maintenait à terre.. Je sais donc maintenant (merci Pauline d'avoir éclairé ma lanterne) que je ne peux pas faire ça. 


C'est lui qui m'a baptisée. Cette fois, je ne suis pas tombée et je n'ai pas donné de gros coup de pied, mais ce negão s'est simplement assis sur moi au beau milieu du jeu... C'est ça le batizado!



Fini de jouer, il me remet ma corde jaune.








A galera da capoeira! 




On a aussi profité de l'occasion pour fêter les anniversaires du mois d'août, septembre et octobre (du coup j'ai re-fêté mes 20 ans avec encore plus de monde que la 1ère fois haha). Admirez le magnifique gâteau digne des plus grandes pâtisseries... (bon je crois qu'il y a réellement un filon en terme de pâtisserie FINE au Brésil,  je vais commencer à me renseigner!) 



Berimbau sous le bras (cet instrument assez improbable qui repose sur le petit doigt, c'est le symbole musical de la capoeira) ,  et c'est reparti pour l'entraînement.




mardi 15 octobre 2013

Não deixe o Samba morrer.



La musique au Brésil, c'est une institution nationale. Tout autant que la feijoada, la fesse dodue ou encore la cachaça, elle fait partie intégrante du quotidien des brésiliens. 

Evidemment, quand on pense à la musique brésilienne, on pense d'abord au samba. Et pour cause: à tout âge, toutes conditions sociales confondues (avec toutefois quelques particularismes..) et cela depuis des décennies, c'est le style de musique le plus apprécié des brésiliens, et qui représente surtout le mieux la société dans son ensemble. Il est né de la rencontre entre les trois peuples ayant formé la population brésilienne: les indiens, les esclaves noirs et les portugais.

Un des objectifs de mon année au Brésil, c'est de prolonger ma connaissance de ce genre métisse, que j'avais déjà pas mal commencé à appréhender à Paris. Entre la Batuka  (pour les non-initiés, c'est le groupe de percussions brésiliennes dont je faisais partie à Sciences Po), les nombreuses sorties samba de roda et pagode (type de samba plus lent, en plus petit comité et souvent joué autour d'une table) et même la capoeira, mêlant samba, danses et chants traditionnels comme le maculelê, le jongo ou le côco, j'étais déjà plutôt bien imprégnée..!


Ici, j'ai donc rapidement cherché à m'intégrer à une bateria, et, un peu par hasard, j'ai finalement atterri à l'école de samba de Rocinha: os Acadêmicos da Rocinha. 

Pour contextualiser un peu, Rocinha, c'est la plus grande favela du Brésil. Elle compte au moins 150 000 habitants, mais les chiffres peuvent varier pour aller jusqu'à 500 000 (!). Dans tous les cas, il s'agit vraiment d'une ville dans la ville, où on peut trouver absolument tout ce que l'on recherche. Evidemment, elle a aussi été le théâtre de nombreux affronts entre trafiquants de drogue et a connu une violence générale assez extrême. Aujourd'hui, l'Etat a repris ses droits sur ce territoire, en y implantant une UPP (Unité de Police Pacificatrice) en 2011, mais c'est un processus de très longue durée, qui n'est bien sûr pas encore abouti. 
Dans ce contexte, l'école de samba est un moyen de faciliter la cohésion sociale, et de créer du lien entre les habitants, autour d'un fort esprit de communauté. (c'était la minute Sciences Po).




 J'ai donc eu la chance de pouvoir intégrer cette très bonne école (elle fait aujourd'hui partie du groupe A, juste derrière le groupe spécial comportant les meilleures groupes de la ville comme Beija Flor, Tijuca, Salgueiro ou Mangueira), et j'y joue du chocalho! 


La Rainha (Reine de la bateria), mon chocalho, mon magnifique tee-shirt à l'effigie de la reine et moi!

J'ai des répétitions trois fois par semaine, et c'est vraiment intéressant de connaître un peu l'envers du décor, et toute la préparation qu'il y a en vue du Carnaval, qui paraît comme une simple fête pour les yeux extérieurs. Parce que si c'est effectivement un énorme évènement que tous les brésiliens attendent avec impatience, pour les écoles de samba, c'est bien plus que cela. Il s'agit d'une compétition acharnée entre les écoles de son groupe, à coup de déguisements, de chars, de danseuses, de joueurs, de thèmes les plus exubérants où chacun cherche à obtenir le saint graal: le sacre de Campeão (Champion). Le défilé final découle d'une série interminable de sélections: celui du thème du samba, puis l'élection du samba en lui-même après une compétition interne à chaque école, puis le choix de la Rainha, et enfin la présentation publique du Samba et de la Reine choisis. Avant la présentation publique, c'est assez impressionnant de voir la manière dont ils cherchent à garder le secret autour du samba de l'année, en ayant systématiquement je ne sais combien de personnes autour des répétitions qui veillent à ce que personne ne soit en train de filmer ou de prendre des photos, qu'il n'y ait aucune personne inconnue du groupe, etc. Maintenant que nous sommes entrés dans la phase de répétition intensive (alors qu'il reste quand même plus de 4 mois avant le carnaval...), les mestres et directeurs de batterie commencent déjà à nous mettre une pression pas possible pour qu'on soit assidus et fidèles au groupe, et nous rappellent constamment que l'on est observés sans cesse sur notre manière de jouer et de nous comporter. Il vont juger comme ça si on est apte à défiler ou non. 

Pour vous donner une idée de ce moment de folie assez indescriptible qu'est le Carnaval, voici le lien de la vidéo du défilé 2013 de Rocinha.

Pour compléter ma culture du samba (et, vous l'aurez compris, également parce que j'aime plutôt bien ça...), je fais aussi pas mal de sorties pour des concerts, des rodas de samba, des concours de batucadas étudiantes, des visites de grandes écoles comme Beija Flor, ... Bref,  j'en prends plein les yeux et les oreilles! 
Là, c'était pour mes 20 ans, des amis sont venus jouer à la maison, c'était top! 

Concert de Monobloco, une tuerie également



La Rateria lors de la Balatucada, rencontre inter-batucadas étudiantes.

Je pense que je ne suis donc décidément pas prête  à laisser s'éteindre le samba... 


La minute telenovela: Dans le prochain épisode, Lorena enquêtera pour savoir quelle mouche tropicale l'a piquée dans son berceau pour qu'elle ait autant cette folie du Brésil...






mardi 24 septembre 2013

Variations Solaires


Il y a des choses dans la vie dont on ne peut pas se lasser. Parmi elles, je pense que la vue depuis mon nouveau chez-moi en fait partie. 
Florilège des jeux de lune et de soleil, depuis la terrasse de Vidigal. 


Lever de Lune...


Coucher de lune, quelques heures plus tard..

 Et lever de soleil sur la Cidade Maravilhosa..










Que la journée commence. 


De l'exotisme du quotidien; ou comment une pomme se transforme en mangue.

EXOTISME.
Ce doux mot, à la simple évocation,  fait voyager le rêveur sur une plage de sable fin  bordée de cocotiers, sentir les effluves de citron vert et de poisson grillé, et entendre au loin des rythmes de percussions endiablées...
("coup de pouce en douce, je deviens poète"...)
J'ai désormais la chance que cet exotisme soit devenu mon quotidien. Presque deux mois que je suis installée sur mon rocher brésilien, et je commence maintenant à appréhender ma nouvelle routine. 
Traversée de l'Atlantique, cap au Sud, et voilà que la pomme se transforme en mangue (et ceux qui connaissent ma passion pour ce fruit, quasiment équivalente à ma folie pour les macarons, sauront que ce n'est pas pour me déplaire..). 
En dehors de ça, voilà donc trois exemples de ce à quoi ressemble ma vie num país tropical:

La première chose qui dépayse, c'est évidemment la faune et la flore. Je ne passe presque pas un jour sans découvrir un animal bizarre, un fruit biscornu ou une plante surprenante. Au cours d'une journée (flash spécial telenovela: vous connaîtrez très prochainement une journée type dans la vie de Lorena, remplie de cours, samba, capoeira...), ça peut donner quelque chose comme: je me lève avec la vue sur la baie, et au premier plan, le manguier, le citronnier et les bananiers du "jardin". Là, les petits singes débarquent et réclament un morceau de la goyave que je suis en train de manger. 

La vue depuis ma nouvelle chambre..

Puis je vais en cours, je descends la favela entourée de chiens, chats, coqs, mais aussi mes amis les cafards et autres réjouissances de ce genre.. (je suis d'ailleurs en constante progression à ce niveau là, maintenant je peux voir une araignée et m'y approcher, certes à un ou deux bons mètres, sans hurler ni courir dans le sens opposé.. no comment). J'arrive à la fac, qui est comme je le disais entourée d'arbres tropicaux verdoyants et traversée par une petite rivière. J'y ai même aperçu des singes et un animal trop bizarre qui ressemblait à un genre de tapir la dernière fois, tranquillement perché dans un arbre... 

Le deuxième exemple est plutôt lié au mode de vie des brésiliens, et des cariocas en particulier. Ici, rien n'est grave, et tout peut se régler d'une manière ou d'une autre, grâce à ce fameux jeitinho. Ce mot, intraduisible en français, fait référence à leur manière de tout pouvoir négocier, d'être capable de se sortir d'une situation inconfortable tout en y trouvant son intérêt grâce à leur légendaire tchatche. Loin du pessimisme et la froideur parisienne, le carioca est toujours à la recherche du mot pour rire, et préfère voir le verre à moitié plein en toute situation. Le revers de la médaille, c'est que bien souvent ils prennent tout à la légère, et cherchent par la même occasion à t'arnaquer.. Ils sont aussi assez flexibles, et pour le coup, savent faire preuve d'énormément de patience. Il existe par exemple des files d'attente pour absolument tout: à la banque, au restaurant, à la cafétéria, pour les toilettes, et jusque pour prendre l'ascenseur! Étonnamment, dans ces situations où tout bon français aurait déjà passé un bon quart d'heure à râler et à souffler bruyamment et cherché douze fois un moyen d'esquiver la règle, les brésiliens se plient à la contrainte de l'attente, et en profitent pour manger, lire, parler (fort) ou se comparer le tour de poitrine (véridique...) 
Une de mes dernières "aventures-quotidiennes" qui recoupe pas mal toutes ces tendances est arrivée il y a quelques jours, alors que j'étais dans le minivan pour aller à la répétition de l'école de samba de Rocinha (ouais en plus je fais du suspense, j'en parlerai plus longuement très prochainement!). On est donc tous installés dans le van passant entre Vidigal et Rocinha, sur cette fameuse Avenue Niemeyer, tortueuse et relativement étroite, sur le bord de la mer, quand d'un coup, on entend un gros bruit. Le van commence alors à brinquebaler de tous les côtés dans un vacarme assourdissant, jusqu'à ce que le chauffeur décide finalement de s'arrêter (d'ailleurs magnifique arrêt en plein milieu de la voie, après un virage et où les voitures déboulent à toute vitesse.. un parfait endroit pour mourir, quoi! Rassure toi maman, si j'ai pu écrire cet article, c'est qu'a priori tout s'est bien terminé..!). Là, tout le monde sort du bus, pour admirer la roue avant droite, quasiment totalement sortie de là où elle devrait normalement gentiment être accrochée. Dans l'indifférence la plus totale, les passagers sont donc montés dans le van suivant ayant pilé au dernier moment devant nous, avant de reprendre la route. Rien de plus normal..

Dernière anecdote: Je rentrais tranquillement des cours avec Julie, quand on s'est retrouvées sur la petite place en bas de Vidigal, où plein de gens étaient en train de s'affairer. Rideaux rouges délimitant une scène, chaises alignées, gros amplis, micros et musiciens en train d'accorder leurs instruments: parfait, ça ressemble pas mal à un concert! Quelques cuivres, des cordes, un clavier, c'est peut-être même du jazz.. Curieuses, on décide d'y rester. Tout le monde semblait bien apprêté (enfin je sais pas vraiment quel terme utiliser ici, car quand les brésiliens sortent, d'autant plus pour les femmes, et plus encore s'il s'agit de faveladas, on peut très bien remplacer "apprêté" par "super vulgaire"...), ou tout au moins on sentait qu'ils avaient essayé de faire des efforts pour cet évènement. Encore une fois les seules étrangères parmi cette scène de plus en plus bizarre, on commence à se poser des questions quand une vieille dame vient nous distribuer un tract "Jésus notre sauveur..blabla..rejoignez-nous..blabla.. Dieu est bon.. blabla.." . Ok, on a compris. Trop tard pour partir, le show commence avec un grand ALLÉLUIA. Tout le monde se lève et c'est parti pour cette sorte de messe/spectacle des membres de l'Assemblée de Dieu (un des nombreux mouvements religieux, pour ne pas dire secte, qui se développe de plus en plus ici). On reste un peu le temps de voir un groupe de jeunes s’époumoner sur un chant mi religieux - mi pop brésilienne super kitsh, et on s'éclipse en souriant.  

Décidément, je ne suis pas prête à regarder d'un oeil blasé les aventures qui composent mon quotidien, pour le moins encore bien exotique..! 

mercredi 28 août 2013

Vous avez dit "travail"?

Bon. Ayant eu quelques questions plus ou moins innocentes à propos de ma rentrée universitaire, de mes cours etc, (car oui, a priori je suis quand même là pour étudier..!), je vais quand même écrire un petit article à ce sujet. 
En vrai, il y a quand même des choses assez intéressantes à dire là dessus, ne serait-ce que pour montrer le monde qui sépare la manière d'enseigner á brasileira de celle à la française.

La faune et la flore de la PUC-Rio

Pour re-contextualiser un peu, j'ai donc été admise à la PUC-Rio (Université Pontificale Catholique, super funky!), une fac finalement pas si rétrograde et conservatrice que ça, et qui fait partie des meilleures du pays. La population étudiante y est composée d'un savoureux mélange de fis-à-papa habitant les ghettos de riches de la ville, payant des frais de scolarité exorbitants (autour de 1 000 euros par mois!), les étudiants boursiers exonérés de frais de scolarité, et les étudiants en échange, comme moi. La cohabitation entre ces trois groupes paraît assez intéressante à analyser; en (très) gros ça donne quelque chose comme: les premiers restent entre eux, les deuxièmes également et les troisièmes pareil. C'est un poil exagéré, mais pas tout à fait faux non plus: les plus riches sont concentrés dans certains départements comme l'économie, l'ingénierie, les plus pauvres dans les départements de sciences sociales, et les étudiants étrangers sont répartis un peu partout, mais ont tendance à rester en bande. Pour ma part, j'essaie encore une fois de ne pas rester qu'avec des étudiants en échange, et j'ai d'ailleurs décidé de ne pas parler un mot d'anglais de mon séjour. Quel dommage, ça me ferme plein de portes auprès des étudiants américains, qui font pourtant tant d'efforts pour parler une langue qui n'est pas la leur...! Bref, on verra si ce sentiment de cloisonnement des différents groupes d'étudiants me suivra tout au long de l'année, ou si finalement il existe des liens plus ou moins solides entre eux. 
Sinon, toujours dans le registre de la faune et de la flore de la PUC, j'ai eu la chance de tomber dans une fac où le campus est en plein milieu de la jungle, où l'on trouve toutes sortes d'arbres tropicaux entourant un petit ruisseau, et où les singes cohabitent avec les étudiants. Assez loin de l'atmosphère grise et guindée de Saint-Germain-des-Près, j'aime bien. Ce qui me dépayse moins par contre, -mais à mon grand bonheur- c'est qu'il existe ici aussi un système de distribution de fruits et légumes bio! Je troque alors les délicieux navets, choux, pommes, endives ou épinards de Patrick pour des produits non moins bons mais plus locaux comme des avocats, du gingembre, de la coriandre, des oranges ou encore des pousses de soja: miam!


Le campus de la PUC 

Un "cursus pluri-disciplinaire" 

Un des avantages de SciencesPo. (lisez "sciences po point", ça en fera sûrement rager une "aix-sciences po" de mon entourage...) c'est que, ayant un cursus académique très large durant les trois premières années, on peut choisir des cours dans quasiment tous les départements. Je peux aussi bien choisir des cours sur l'écologie, l'anthropologie, la géographie de Rio ou encore la culture brésilienne que des cours d'ingénierie mécanique, de mathématiques appliquées ou de physique quantique. J'imagine que vous vous doutez de quel genre de cours j'ai pris..
Pour l'instant, sur le fond, je n'apprends pas grand chose, les profs restent assez évasifs et les cours sont assez largement basés sur des lectures à faire chaque semaine. Pas l'effervescence intellectuelle donc, mais les profs rattrapent souvent ça par leur attitude très décontractée, qui va parfois jusqu'à la franche camaraderie avec les élèves. Par exemple, lors du premier cours de Cultura Brasileira du semestre, la prof, arrivée avec 20 minutes de retard, a fait la bise aux élèves, a fait des compliments sur la nouvelle coupe de cheveux de Teresa, s'est extasiée sur les nouvelles chaussures de Thiago, a commencé à nous parler de son mari, de ses gosses et de son chien, a accueilli avec entrain des élèves ayant débarqué avec 1h15 de retard, est partie s'acheter un café et un salgado, et a fini par parler à peu près 4minutes30 à propos du cours. Et tout le monde trouve ça normal. C'est vraiment une autre manière d'appréhender l'enseignement, mais au final, quand les profs se mettent à parler du cours, les élèves sont silencieux, attentifs et paraissent assez impliqués dans ce qui est dit. Quasiment aucun ne prend des notes sur un ordinateur, par exemple. 

Voilà donc à quoi ressemble pour l'instant ma vie d'étudiante carioca!

La minute telenovela: Dans le prochain épisode, Lorena décrira le lien qu'entretiennent les cariocas avec la musique, et plus particulièrement avec le samba. A-t-elle finalement réussi à intégrer une batucada? 

samedi 17 août 2013

Favelada

Voilà un peu plus de dix jours que je me suis installée en haut de mon caillou, dans la favela de Vidigal. 
Comme je l'imaginais, ce choix n'est pas vraiment anodin, car même s'il s'agit d'une favela pacifiée, c'est une favela quand même.




Pour donner un petit aperçu de Vidigal avant que je publie mes propres photos de mon nouveau chez moi! 

Bien loin de l'ambiance un peu bling bling de la Zone Sud (en gros, Copacabana, Ipanema, Leblon) dans laquelle s'installe l'immense majorité des étudiants étrangers, la vie de favelado semble rythmée d'une manière bien différente. En fait, mes premières impressions de la vie dans la favela sont assez mitigées, mais dans l'ensemble cela reste très positif! 
D'un côté, pour des étudiants étrangers, je trouve que c'est un excellent compromis. Loyer bien plus bas qu'ailleurs (quasiment deux fois moins cher!), expérience très authentique d'une vie quotidienne que de très nombreux cariocas partagent (il y a près de 700 favelas à Rio, ce qui représente 1,3 millions de personnes!), et vie au coeur de la jungle, avec une vue incroyable sur la baie de Rio... Le seul inconvénient que l'on peut y trouver, c'est que cela reste assez loin et mal desservi du reste de la ville, et surtout du centre. (et accessoirement, pour arriver chez moi, il faut soit prendre un moto-taxi, ce qui est déjà une belle aventure, ou alors monter les 12 000 marches qui traversent la favela à pied..!) 
Le revers de la médaille, c'est que même si l'on se rapproche de coeur battant de la vie carioca en vivant dans la favela, on reste aux yeux de ses habitants un véritable gringo (terme utilisé ici pour désigner tous les non-brésiliens).  A ce sujet, les favelados adoptent différents comportements: la majorité d'entre eux s’accommodent bien de la présence des étrangers, sont très sympas et curieux de savoir ce qu'il nous a amené chez eux. D'autres y sont assez indifférents. La dernière catégorie, heureusement minoritaire, concerne les personnes qui voient d'un mauvais oeil que des gringos s'installent chez eux. Cela peut être lié à une forme de racisme pure et simple, mais c'est surtout qu'ils considèrent (pas forcément à tort), que les gringos s'installant dans les favelas contribuent à faire augmenter le coût de la vie et des loyers.. à cela, d'autres leur répondront que le gringo, ayant un pouvoir d'achat élevé, fait tourner le commerce local. 
Il faut quand même différencier les favelas réellement pacifiées et où de plus en plus d'étrangers s'installent (surtout des français d'ailleurs, à croire qu'ils ont tous vu le reportage de Thalassa..!) comme Vidigal ou toutes celles sur les morros (collines) de la Zone Sud, et celles de la Zone Nord, où la violence et l'insécurité sont encore très prégnantes..
Voilà donc ma première analyse à vif  de la vie dans la favela, qui va sûrement bien évoluer au fil du temps. Dans tous les cas, de mon côté j'essaie d'adopter une bonne attitude par rapport à cela, dans l'espoir de m'intégrer au mieux à cette vie si différente de mon quotidien français mais qui pour l'instant me plaît énormément. J'ai d'ailleurs vu qu'il y avait des cours de capoeira dans le centre culturel de Vidigal, ainsi qu'un bloco (une bateria, ensemble de percussions de quartier qui défilera dans les rues au moment du carnaval) avec qui je vais pouvoir jouer si tout va bien! 
La minute telenovela: Dans le prochain épisode, Lorena racontera sa rentrée à l'université, mais aussi ses premières répétitions de capoeira et de samba.. Va-t-elle tenir le rythme? 

Sinon, en exclusivité, voici un petit pêle-mêle de ce à quoi ressemble ma vie dans la favela:
- La vie bien moins chère qu'ailleurs (en équivalent-mangue, c'est quasiment deux fois moins cher, haha) 
- Le baile funk: véritable institution dans la favela, ce sont des rassemblements nocturnes où les filles dansent sur des rythmes répétitifs, d'une manière très sexuelle (et peu importe leur âge...), et dans des tenues pour le moins suggestives... 
- Les joies des moto-taxis, des vans et des escaliers: les trois moyens de monter et de descendre la favela.. Plus ou moins rapide, sportif et efficace, à choisir en fonction de différentes variables (degré de flemme, de retard, d'argent en poche, de caipirinhas dans le sang...) 
- Les flics, et finalement n'importe quel homme, de n'importe quel âge, qui mate ouvertement et sans aucune retenue.. j'ai bien peur que ça ne soit d'ailleurs pas qu'une spécialité de la favela..
- Les petits dej sur la terrasse, au soleil, en compagnie des petits singes qui viennent nous réclamer des bananes 
- Les sorties avec les colocs, avec qui je m'entends d'ailleurs très bien


 Dur réveil ...

PS: Petite précision, suite à un commentaire de ma mère me disant qu'elle s'inquiétait quelque peu de mon mutisme au sujet de l'insécurité dans la favela: comme je le lui disais, je n'en ai pas parlé tout simplement parce que je n'y ai même pas pensé, car elle n'existe pas plus à Vidigal qu'à Marquette-lez-Lille (au hasard...)! En vrai, je me sens quasiment plus en sécurité dans la favela (à n'importe quelle heure, et même si je suis toute seule), où tout le monde se connait et où il règne une atmosphère de village, que sur les grandes avenues derrière Copacabana ou Ipanema, désertes certains soirs.. Voilà une autre raison qui me fait me sentir comme chez moi, en favelada. 



lundi 5 août 2013

Bom dia

Samedi 3 août. 

Cette journée ne s'annonçait à la base pas très funky.. Malgré la chaleur et le ciel uniformément bleu, j'avais décidé de la consacrer à ma recherche et aux visites d'appartements. 
J'ai finalement opté, en culpabilisant un peu au début, pour faire l'ascension du mont Dois Irmaos (les deux frères), ces magnifiques collines surplombant Leblon d'un côté, et les favelas de Vidigal et Rocinha de l'autre. Ayant rendez-vous avec le groupe (assez cosmopolite, mélangeant aussi bien des français, des brésiliens et des allemands, canadiens ou américains) à 10h en bas de Vidigal, je me suis dit que j'aurais donc assez de temps pour m'occuper de mon logement plus tard. C'était sans compter sur la traditionnelle demi heure de retard des brésiliens (qui dans ce cas s'est plutôt comptée en heures), mais à 12h30, nous voilà partis pour la randonnée. 
D'abord, l'ascension de Vidigal en van a été une super expérience, et j'ai tout de suite été séduite par l'atmosphère de cette favela pacifiée depuis deux ans. Ensuite, montée escarpée jusqu'au sommet, et vue imprenable sur la ville... vraiment impressionnant! C'est le même genre de vue que depuis le haut du Pão de Azucar ou le Corcovado, mais c'est beaucoup moins connu des touristes, donc vraiment cool! (à part un groupe de Cariocas super bruyants et prenant des poses ridicules  pendant des heures, emmaillotés dans des drapeaux du Brésil... J'avais presque oublié le degré de kitch des brésiliens) 


Voilà donc la fameuse vue, avec un gamin de Vidigal au premier plan.




La même vue avec mes copains Raphael et Julie! 

Une fois redescendus, nous nous retrouvons dans le haut de la favela, où Julie venait de trouver un appartement. Elle me propose dons d'y passer, et on arrive alors dans ce lieu avec une vue magique. Coup de coeur. Je demande plus ou moins innocemment au propriétaire, un français ayant retapé cette maison il y a deux ans, s'il reste des chambres à louer.. Bingo, il en reste une petite, et avec la possibilité de bouger pour une plus grande un peu plus tard. 
Loyer à 700 reais (230 euros) + vue incroyable + prioprio sympa et acceptant le paiement du loyer par virement + quartier authentique, pacifié et super vivant + pas très loin de la fac + goût de l'aventure = Banco. Je ne réfléchis pas très longtemps, juste le temps de faire une dernière visite d'un truc miteux et deux fois plus cher à Ipanema pour me donner bonne conscience, et j'y emménage le lendemain. 



Vue depuis la terrasse de l'appartement, à la tombée de la nuit... Legal!



Le salon


La terrasse, faisant le lien entre les chambres

La suite cette journée s'est avérée tout aussi agréable. 
Après être redescendus de la favela, on se pose un peu à Ipanema, puis on va faire du volley à Copacabana... On a connu pire! 
Je passe ensuite par hasard devant un kiosque sur le bord de la plage, et une musique que je connais bien attire immédiatement mon oreille. Du pagode! Il s'agit en fait de samba (oui, en portugais, samba est masculin!) joué en petit groupe autour d'une table (samba de roda) souvent bien garnie de caipirinhas et autres réjouissances, et chantant et jouant les classiques du genre. J'adore! J'aperçois quelque chose qui, cette fois, m'attire l'oeil: les tee-shirts colorés que portent les joueurs, ainsi qu'une personne qui me paraît familière.. C'était en fait des joueurs de Beija Flor, une des meilleures écoles de samba de Rio, plusieurs fois gagnante du Carnaval. Je reconnais, assis avec eux, un des américains qui était avec nous pour la balade, quelques heures avant, jouant du pandeiro. Belle coïncidence et belle excuse aussi pour me joindre à eux! Au bout de quelques phrases, je me retrouve au milieu de leurs mines réjouies, un tamborim entre les mains, à essayer de caler dans le rythme les quelques phrases que je connais. Le bonheur! 


Pour continuer dans l'ambiance samba, on se rend ensuite dans un petit botequim où on était déjà passés l'année dernière avec Alex, vraiment sympa et authentique: Bip bip! C'est un bar vraiment étonnant, qui ne paie pas de mine, (tout petit, sans places assises, où l'on doit se servir nous-mêmes à boire dans le frigo du fond) mais qui vaut vraiment la peine, pour les amateurs de bonne musique brésilienne. Alfredinho le patron, sosie de Lula et fervent militant travailliste (le parti de gauche auquel appartient Lula et Dilma Roussef), est aussi un sacré bonhomme. Il est là, assis à faire les comptes des boissons consommées, tous les soirs de la semaine sans exception, et à faire régner le calme dans l'assistance.. Très drôle à voir donc! 

On rentre enfin pour dormir une dernière fois à Copacabana, avant de démarrer l'aventure favelada.  Finalement, c'était plutôt um bom dia! 

La minute telenovela: Dans le prochain épisode, vous découvrirez quelles sont les premières impressions de Lorena dans la favela.  Va-t-elle être rejetée par la communauté? Va-t-elle apprécier? 


Chegada no Rio de Janeiro

C'est parti!
Je m'envole pour la terre du samba le 31 Juillet 2013 pour une année d'échange à Rio de Janeiro, dans la Pontificia Universidade Catolica (PUC). 
Après 11h de vol (non sans crispations..), je pose le pied pour la troisième fois au Brésil, mais cette fois ci, j'y reste! 
Des amies de mon pote Raphael viennent nous chercher à l'aéroport, pour nous déposer dans le magnifique appartement de Laurence à Copacabana, où nous allons rester quelques jours, le temps de trouver un logement. 
Il est 18h, la nuit est déjà tombée, mais l'atmosphère si spéciale de la ville, ses odeurs, ses couleurs et ses bruits sont encore bien perceptibles. 
Réveil bien matinal le lendemain pour cause de décalage horaire, petit dej fruité sur la terrasse, et un perroquet coloré passe même devant nous, comme pour nous souhaiter la bienvenue: Tudo bom! 
La difficulté est maintenant de trouver un logement.. deux jours de recherches plus ou moins intensives, à écumer les petites annonces et à demander à droite à gauche les bons plans. Les premières visites n
'ont pas vraiment été concluantes..: en gros j'avais le choix entre une chambre à Copacabana, dans un recoin du salon et séparée par un rideau, et tout ça pour 900 reais (300 euros), une chambre partagée dans un appart miteux à Ipanema pour 1000 reais, ou encore une chambre dans un appartement à Leme où les pièces (minuscules) sont séparées entre elles par des cloisons en bois qui ne montent pas jusqu'en haut, pour 1200 reais... Génial! 
La minute telenovela: dans le prochain épisode, vous découvrirez comment j'ai finalement trouvé un appartement... en plein coeur d'une favela!


L'hiver à Rio.... 25 degrés en moyenne, ça va!

PS: Bienvenue sur mon blog, qui sera donc le journal de bord de mon séjour au Brésil. Vous avez dû constater que j'ai déjà changé de prénom (mais pas encore de sexe, je vous rassure).. ici, je me suis vite rendue compte que les brésiliens n'arrivent pas à prononcer mon prénom..(merci Papa, merci Maman, vous n'auriez pas pu m'appeler Linda, Teresa ou Juliana?) du coup, je m'appelle désormais Lorena!